LA VIEILLE & LES DEUX SERVANTES
001 Il était une vieille ayant deux Chambrières.
Elles filaient si bien que les soeurs filandières
Ne faisaient que brouiller au prix de celles-ci.
La Vieille n avait point de plus pressant souci
005 Que de distribuer aux Servantes leur tâche.
Dès que Téthis chassait Phébus aux crins dorés,
Tourets entraient en jeu, fuseaux étaient tirés ;
Deçà, delà, vous en aurez ;
Point de cesse, point de relâche.
010 Dès que l Aurore, dis-je, en son char remontait,
Un misérable Coq à point nommé chantait.
Aussitôt notre Vieille encor plus misérable
S affublait d un jupon crasseux et détestable,
Allumait une lampe, et courait droit au lit
015 Où de tout leur pouvoir, de tout leur appétit,
Dormaient les deux pauvres Servantes.
L une entr ouvrait un oeil, l autre étendait un bras ;
Et toutes deux, très malcontentes,
Disaient entre leurs dents : Maudit Coq, tu mourras.
020 Comme elles l avaient dit, la bête fut grippée.
Le réveille-matin eut la gorge coupée.
Ce meurtre n amenda nullement leur marché.
Notre couple au contraire à peine était couché
Que la Vieille, craignant de laisser passer l heure,
025 Courait comme un Lutin par toute sa demeure.
C est ainsi que le plus souvent,
Quand on pense sortir d une mauvaise affaire,