020 Un mourant qui comptait plus de cent ans de vie,
Se plaignait à la Mort que précipitamment
Elle le contraignait de partir tout à l heure,
Sans qu il eût fait son testament,
Sans l avertir au moins. Est-il juste qu on meure
025 Au pied levé ? dit-il : attendez quelque peu.
Ma femme ne veut pas que je parte sans elle ;
Il me reste à pourvoir un arrière-neveu ;
Souffrez qu à mon logis j ajoute encore une aile.
Que vous êtes pressante, ô Déesse cruelle !
030 - Vieillard, lui dit la mort, je ne t ai point surpris ;
Tu te plains sans raison de mon impatience.
Eh n as-tu pas cent ans ? trouve-moi dans Paris
Deux mortels aussi vieux, trouve-m en dix en France.
Je devais, ce dis-tu, te donner quelque avis
035 Qui te disposât à la chose :
J aurais trouvé ton testament tout fait,
Ton petit-fils pourvu, ton bâtiment parfait ;
Ne te donna-t-on pas des avis quand la cause
Du marcher et du mouvement,
040 Quand les esprits, le sentiment,
Quand tout faillit en toi ? Plus de goût, plus d ouïe :
Toute chose pour toi semble être évanouie :
Pour toi l astre du jour prend des soins superflus :
Tu regrettes des biens qui ne te touchent plus
045 Je t ai fait voir tes camarades,
Ou morts, ou mourants, ou malades.
Qu est-ce que tout cela, qu un avertissement ?
Allons, vieillard, et sans réplique.
Il n importe à la république
050 Que tu fasses ton testament.
La mort avait raison. Je voudrais qu à cet âge