DỊCH HẠCH - Trang 257

époque, les rues étaient désertes et le vent seul y poussait des plaintes
continues. De la mer soulevée et toujours invisible montait une odeur
d’algues et de sel. Cette ville déserte, blanchie de poussière, saturée
d’odeurs marines, toute sonore des cris du vent, gémissait alors comme une
île malheureuse.

Jusqu’ici la peste avait fait beaucoup plus de victimes dans les

quartiers extérieurs, plus peuplés et moins confortables, que dans le centre
de la ville. Mais elle sembla tout d’un coup se rapprocher et s’installer aussi
dans les quartiers d’affaires. Les habitants accusaient le vent de transporter
les germes d’infection. « Il brouille les cartes », disait le directeur de
l’hôtel. Mais quoi qu’il en fût, les quartiers du centre savaient que leur tour
était venu en entendant vibrer tout près d’eux, dans la nuit, et de plus en
plus fréquemment, le timbre des ambulances qui faisait résonner sous leurs
fenêtres l’appel morne et sans passion de la peste.

À l’intérieur même de la ville, on eut l’idée d’isoler certains quartiers

particulièrement éprouvés et de n’autoriser à en sortir que les hommes dont
les services étaient indispensables. Ceux qui y vivaient jusque-là ne purent
s’empêcher de considérer cette mesure comme une brimade spécialement
dirigée contre eux, et dans tous les cas, ils pensaient par contraste aux
habitants des autres quartiers comme à des hommes libres. Ces derniers, en
revanche, dans leurs moments difficiles, trouvaient une consolation à
imaginer que d’autres étaient encore moins libres qu’eux. « Il y a toujours
plus prisonnier que moi » était la phrase qui résumait alors le seul espoir
possible.

À peu près à cette époque, il y eut aussi une recrudescence

d’incendies, surtout dans les quartiers de plaisance, aux portes ouest de la
ville. Renseignements pris, il s’agissait de personnes revenues de
quarantaine et qui, affolées par le deuil et le malheur, mettaient le feu à leur
maison dans l’illusion qu’elles y faisaient mourir la peste. On eut beaucoup
de mal à combattre ces entreprises dont la fréquence soumettait des
quartiers entiers à un perpétuel danger en raison du vent violent. Après

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