DỊCH HẠCH - Trang 270

Mais de quoi, dira-t-on, ces séparés avaient-ils l’air ? Eh bien, cela est

simple, ils n’avaient l’air de rien. Ou, si on préfère, ils avaient l’air de tout
le monde, un air tout à fait général. Ils partageaient la placidité et les
agitations puériles de la cité. Ils perdaient les apparences du sens critique,
tout en gagnant les apparences du sang-froid. On pouvait voir, par exemple,
les plus intelligents d’entre eux faire mine de chercher comme tout le
monde dans les journaux, ou bien dans les émissions radiophoniques, des
raisons de croire à une fin rapide de la peste, et concevoir apparemment des
espoirs chimériques, ou éprouver des craintes sans fondement, à la lecture
de considérations qu’un journaliste avait écrites un peu au hasard, en
bâillant d’ennui. Pour le reste, ils buvaient leur bière ou soignaient leurs
malades, paressaient ou s’épuisaient, classaient des fiches ou faisaient
tourner des disques sans se distinguer autrement les uns des autres.
Autrement dit, ils ne choisissaient plus rien. La peste avait supprimé les
jugements de valeur. Et cela se voyait à la façon dont personne ne
s’occupait plus de la qualité des vêtements ou des aliments qu’on achetait.
On acceptait tout en bloc.

On peut dire pour finir que les séparés n’avaient plus ce curieux

privilège qui les préservait au début. Ils avaient perdu l’égoïsme de l’amour,
et le bénéfice qu’ils en tiraient. Du moins, maintenant, la situation était
claire, le fléau concernait tout le monde. Nous tous au milieu des
détonations qui claquaient aux portes de la ville, des coups de tampon qui
scandaient notre vie ou nos décès, au milieu des incendies et des fiches, de
la terreur et des formalités, promis à une mort ignominieuse, mais
enregistrée, parmi les fumées épouvantables et les timbres tranquilles des
ambulances, nous nous nourrissions du même pain d’exil, attendant sans le
savoir la même réunion et la même paix bouleversantes. Notre amour sans
doute était toujours là, mais, simplement, il était inutilisable, lourd à porter,
inerte en nous, stérile comme le crime ou la condamnation. Il n’était plus
qu’une patience sans avenir et une attente butée. Et de ce point de vue,
l’attitude de certains de nos concitoyens faisait penser à ces longues queues

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